Le titre 1er du statut gĂ©nĂ©ral des fonctionnaires, câest-Ă -dire la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 a Ă©tĂ© profondĂ©ment rĂ©novĂ© par la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative Ă la dĂ©ontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
Faisant entrer la dĂ©ontologie dans le titre premier, elle grave, dans la marbre du statut, des obligations dâorigine jurisprudentielle (Ă lâexception de lâobligation de rĂ©serve) afin de mieux sensibiliser les agents publics aux valeurs essentielles du service public tout en apportant de nouvelles garanties aux agents attaquĂ©s ou poursuivis disciplinairement.
Par ailleurs, par lâinscription de la notion de conflits dâintĂ©rĂȘts dans la loi du 13 juillet 1983, il est mis lâaccent sur le caractĂšre vertueux des devoirs des agents publics tout en posant le principe dâune meilleure prĂ©vention notamment des conflits dâintĂ©rĂȘts, grĂące aux lanceurs dâalerte et aux rĂ©fĂ©rents dĂ©ontologues.
Ces droits, obligations et rĂšgles dĂ©ontologiques sâappliquent Ă lâensemble des agents publics, câest-Ă -dire aux fonctionnaires titulaires et stagiaires, ainsi quâaux agents contractuels de droit public.
DROITS DES FONCTIONNAIRES
PRINCIPE DE NON-DISCRIMINATION (ARTICLES 6 ET 6 BIS)
La libertĂ© d’opinion est garantie aux fonctionnaires. Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut ĂȘtre faite entre les fonctionnaires en raison de leur sexe, leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur Ăąge, de leur patronyme, de leur Ă©tat de santĂ©, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposĂ©e, Ă une ethnie ou une race.
Toutefois, des distinctions peuvent ĂȘtre faites afin de tenir compte d’Ă©ventuelles inaptitudes physiques Ă exercer certaines fonctions.
De mĂȘme, des conditions d’Ăąge peuvent ĂȘtre fixĂ©es lorsqu’elles rĂ©sultent des exigences professionnelles, justifiĂ©es par l’expĂ©rience ou l’anciennetĂ©, requises par les missions que les fonctionnaires sont destinĂ©s Ă assurer.
DROIT Ă UNE PROTECTION SPĂCIFIQUE DU LANCEUR DâALERTE (ARTICLE 6 TER A)
Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rĂ©munĂ©ration, la formation, l’Ă©valuation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut ĂȘtre prise Ă l’Ă©gard d’un fonctionnaire pour avoir relatĂ© ou tĂ©moignĂ©, de bonne foi, aux autoritĂ©s judiciaires ou administratives :
âą de faits constitutifs d’un dĂ©lit, d’un crime ;
âą ou susceptibles d’ĂȘtre qualifiĂ©s de conflit d’intĂ©rĂȘts dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.
Dans le cas d’un conflit d’intĂ©rĂȘts, le fonctionnaire doit avoir prĂ©alablement alertĂ© en vain l’une des autoritĂ©s hiĂ©rarchiques dont il relĂšve.
Il peut également témoigner de tels faits auprÚs du référent déontologue.
DROIT SYNDICAL (ARTICLES 8 ET 8BIS)
Les fonctionnaires peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats.
Les agents publics peuvent bĂ©nĂ©ficier dâautorisations spĂ©ciales dâabsence (dans le respect des nĂ©cessitĂ©s de service). Les reprĂ©sentants syndicaux peuvent bĂ©nĂ©ficier de dĂ©charges dâactivitĂ© de service.
Les fonctionnaires participent, par l’intermĂ©diaire de leurs dĂ©lĂ©guĂ©s siĂ©geant dans des organismes consultatifs, Ă l’organisation et au fonctionnement des services publics, Ă l’Ă©laboration des rĂšgles statutaires et Ă l’examen des dĂ©cisions individuelles relatives Ă leur carriĂšre.
Ils participent Ă la dĂ©finition et Ă la gestion de l’action sociale, culturelle, sportive et de loisirs dont ils bĂ©nĂ©ficient ou qu’ils organisent.
DROIT DE GRĂVE (ARTICLE 10)
Les fonctionnaires exercent le droit de grĂšve dans le cadre des lois qui le rĂ©glementent. Ce droit fait lâobjet dâune rĂ©glementation diffĂ©rente selon la dĂ©mographie des communes. Des limitations sont Ă©galement possibles, comme notamment la mise en place dâun service minimum.
DROIT Ă LA PROTECTION (ARTICLE 11)
Ce droit Ă la protection dite « fonctionnelle » est double : il vise lâagent public mis en cause, poursuivi devant une juridiction civile ou pĂ©nale ; et il concerne Ă©galement lâagent public victime (atteintes volontaires Ă l’intĂ©gritĂ© de la personne, violences, agissements constitutifs de harcĂšlement, menaces, injures, diffamations ou outrages).
L’agent public bĂ©nĂ©ficie de la protection fonctionnelle s’il est victime de faits Ă l’occasion ou en raison de ses fonctions. L’administration doit ainsi protĂ©ger l’agent, lui apporter une assistance juridique et rĂ©parer les prĂ©judices qu’il a subis. La demande de protection doit ĂȘtre formulĂ©e par Ă©crit Ă ses supĂ©rieurs hiĂ©rarchiques. Le cas Ă©chĂ©ant, la protection peut ĂȘtre accordĂ©e Ă la personne avec qui l’agent vit en couple et ses enfants.
Par ailleurs, l’administration peut ĂȘtre obligĂ©e Ă©galement d’assister ses agents poursuivis pour une infraction liĂ©e Ă une faute de service.
DROIT Ă LA RĂMUNĂRATION (ARTICLE 20)
Les fonctionnaires ont droit, aprĂšs service fait, Ă une rĂ©munĂ©ration comprenant le traitement, lâindemnitĂ© de rĂ©sidence, le supplĂ©ment familial de traitement ainsi que de diverses primes et indemnitĂ©s.
Les avances sur salaire ne sont pas possibles dans la fonction publique territoriale.
DROIT AUX CONGĂS (ARTICLE 21)
Les agents publics ont droit à notamment des congés annuels, des congés de maladie, des congés de maternité et des congés liés aux charges parentales, des congés de formation professionnelle ou encore des congés pour formation syndicale.
DROIT Ă LA FORMATION (ARTICLE 22)
Le droit Ă la formation professionnelle tout au long de la vie est reconnu aux fonctionnaires.
Ceux-ci peuvent ĂȘtre tenus de suivre des actions de formation professionnelle dans les conditions fixĂ©es par les statuts particuliers.
Par ailleurs, tout agent bĂ©nĂ©ficie chaque annĂ©e, en fonction de son temps de travail, d’un droit individuel Ă la formation. Ce droit est mis en Ćuvre Ă l’initiative de l’agent en accord avec son administration.
DROIT AU CONSEIL DĂONTOLOGIQUE (ARTICLE 28 BIS)
Lâagent public doit pouvoir consulter un rĂ©fĂ©rent dĂ©ontologue, chargĂ© de lui apporter tout conseil utile au respect des obligations et des principes dĂ©ontologiques mentionnĂ©s aux articles 25 Ă 28 de la loi du 13 juillet 1983 (conflits dâintĂ©rĂȘts, cumul dâactivitĂ©s, application des droits et obligations, etc.).
DROIT Ă LA SANTĂ
Ce droit, qui ne fait lâobjet dâaucune formulation textuelle ou jurisprudentielle, dĂ©coule de lâarticle 2-1 du dĂ©cret n° 85-603 du 10 juin 1985 qui rappelle que « les autoritĂ©s territoriales sont chargĂ©es de veiller Ă la sĂ©curitĂ© et Ă la protection de la santĂ© des agents placĂ©s sous leur autoritĂ© ».
Ainsi, ce « droit » à la santé se décline par différents garanties ou prérogatives, notamment :
âą les droits Ă congĂ© maladie prĂ©vus par lâarticle 57 de la loi du 26 janvier 1984 ;
âą le droit au reclassement en cas dâinaptitude de lâagent Ă occuper ses fonctions, nonobstant lâabsence de texte lâorganisant expressĂ©ment ;
âą le droit au retrait lorsque lâagent « a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail prĂ©sente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santĂ© ou sâil constate une dĂ©fectuositĂ© dans les systĂšmes de protection » (article 5-1 du dĂ©cret du 10 juin 1985 prĂ©citĂ©) ;
âą le droit dâobtenir lâindemnisation de lâintĂ©gralitĂ© des prĂ©judices subis par un agent victime dâun accident du travail ou dâune maladie professionnelle ;
âą le droit Ă ne pas ĂȘtre harcelĂ© moralement ou sexuellement (articles 6 ter et 6 quinquiĂšs de la loi du 13 juillet 1983) ;
âą etc.
OBLIGATIONS ET DĂONTOLOGIE DES FONCTIONNAIRES
OBLIGATION DE DIGNITĂ (ARTICLE 25)
Cette obligation contribue Ă asseoir le respect de la puissance publique. Elle sâimpose Ă lâagent Ă raison de sa qualitĂ© dâagent public, afin de sâassurer que la dignitĂ© des fonctions soit assurĂ©e et que lâadministration soit confortĂ©e dans sa rĂ©putation.
Lâobligation de dignitĂ©, qui se dĂ©cline dans les propos, les agissements et la tenue dans lâexĂ©cution des missions du service, favorise la considĂ©ration portĂ©e Ă lâadministration par les usagers.
OBLIGATION DE PROBITĂ (ARTICLE 25)
La probitĂ©, qui peut se dĂ©finir comme lâhonnĂȘtetĂ©, le respect des biens et de la propriĂ©tĂ© dâautrui a pour objet dâĂ©viter que lâagent public ne se trouve dans une situation dans laquelle son intĂ©rĂȘt personnel pourrait ĂȘtre en contradiction avec celui de la collectivitĂ© quâil sert.
Directement liĂ©e au souci de prĂ©server la dignitĂ© de la fonction publique, et de prĂ©venir des conflits dâintĂ©rĂȘts, elle est souvent prĂ©sentĂ©e comme une obligation dâabstention, qui consiste Ă ne pas tirer profit de lâexercice de ses fonctions afin de ne pas compromettre son indĂ©pendance.
OBLIGATION DâIMPARTIALITĂ (ARTICLE 25)
A lâinstar des obligations de dignitĂ© et de probitĂ©, le respect de lâobligation dâimpartialitĂ© participe directement au renom de lâadministration dans la mesure oĂč elle assoit lâexemplaritĂ© de la conduite de lâaction publique par les agents. Cette obligation fondamentale, qui se rattache Ă dâautres principes tels que lâĂ©galitĂ©, la neutralitĂ© ou lâindĂ©pendance, est inhĂ©rente aux missions dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. Ainsi, un agent public ne peut avoir un prĂ©jugĂ© sur une affaire en raison par exemple dâun intĂ©rĂȘt personnel Ă lâaffaire ou dâune prise de position publique affirmĂ©e.
OBLIGATION DâINTĂGRITĂ (ARTICLE 25)
Etroitement liĂ©e aux obligations prĂ©cĂ©dentes, lâobligation dâintĂ©gritĂ© impose que lâagent public ne puisse solliciter, accepter ou se faire promettre dâaucune source, ni directement ni indirectement, des avantages matĂ©riels dont lâacceptation pourrait le mettre en conflit avec les obligations et les dĂ©fenses que lui imposent les lois et les rĂšglements et notamment les dispositions du statut (comme la prĂ©vention du conflit dâintĂ©rĂȘts).
Si dans l’exercice de ses fonctions, lâagent public est amenĂ© Ă se prononcer sur une affaire dans laquelle il peut avoir un intĂ©rĂȘt personnel de nature Ă compromettre son indĂ©pendance, il doit en informer son supĂ©rieur hiĂ©rarchique.
OBLIGATION DE NEUTRALITĂ ET RESPECT DU PRINCIPE DE LAĂCITĂ (ARTICLE 25)
La neutralitĂ© peut se dĂ©finir comme « lâimpartialitĂ© de lâEtat Ă lâĂ©gard des croyances de tous les membres de la collectivitĂ© nationale ».
La neutralitĂ© du fonctionnaire est donc une condition nĂ©cessaire de la laĂŻcitĂ© de la RĂ©publique et du service public. Condition de rĂ©alisation du service, elle est le corollaire du principe dâĂ©galitĂ©, Ă valeur constitutionnelle. Les principes de neutralitĂ© et de laĂŻcitĂ©, qui sâappliquent Ă la fonction publique et Ă ses agents, garantissent que le service public nâĂ©tablit aucune distinction ou prĂ©fĂ©rence entre les citoyens selon leurs opinions, notamment religieuses.
A ce titre, lâagent public « s’abstient notamment de manifester, dans l’exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses. [Il] traite de façon Ă©gale toutes les personnes et respecte leur libertĂ© de conscience et leur dignitĂ© ».
OBLIGATION DE PRĂVENTION DES CONFLITS DâINTĂRĂTS/DE FAIRE CESSER UN CONFLIT DâINTĂRĂTS EXISTANT (ARTICLES 25 BIS ET SUIVANTS).
Le fonctionnaire doit veiller Ă faire cesser immĂ©diatement ou Ă prĂ©venir les situations de conflit dâintĂ©rĂȘts dans lesquelles il se trouve ou pourrait se trouver. Ainsi, constitue un conflit dâintĂ©rĂȘts toute situation dâinterfĂ©rence entre un intĂ©rĂȘt public et des intĂ©rĂȘts publics ou privĂ©s qui est de nature Ă influencer ou paraĂźtre influencer lâexercice indĂ©pendant, impartial et objectif de ses fonctions.
Pour ce faire, le législateur prévoit deux séries de mesure :
âą des mesures gĂ©nĂ©rales qui sâappliquent Ă lâensemble des agents publics, indĂ©pendamment de la catĂ©gorie, du grade ou encore des fonctions ;
âą des mesures spĂ©cifiques de dĂ©claration (dĂ©claration dâintĂ©rĂȘts, dĂ©claration de situation patrimoniale) qui sâappliquent Ă certains agents occupant des fonctions particuliĂšres.
Le fonctionnaire qui serait en situation de conflits dâintĂ©rĂȘts peut Ă©galement se rapprocher du rĂ©fĂ©rent dĂ©ontologue.
OBLIGATION DE SE CONSACRER INTĂGRALEMENT Ă SES FONCTIONS (ARTICLE 25 SEPTIES)
Le fonctionnaire consacre lâintĂ©gralitĂ© de son activitĂ© professionnelle aux tĂąches qui lui sont confiĂ©es. Les fonctionnaires ne peuvent exercer Ă titre professionnel une activitĂ© privĂ©e lucrative de quelque nature que ce soit. Ils peuvent toutefois ĂȘtre autorisĂ©s Ă exercer Ă titre accessoire, une activitĂ©, lucrative ou non, auprĂšs d’une personne ou d’un organisme public ou privĂ©, dĂšs lors que cette activitĂ© est compatible avec les fonctions qui leur sont confiĂ©es et n’affecte pas leur exercice.
OBLIGATION DE SECRET PROFESSIONNEL ET DE DISCRĂTION PROFESSIONNELLE (ARTICLE 26)
Les fonctionnaires sont tenus au secret professionnel dans le cadre des rÚgles instituées dans le code pénal (notamment les articles 226-13 et 226-14).
Les fonctionnaires doivent faire preuve de discrĂ©tion professionnelle pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou Ă l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. En dehors des cas expressĂ©ment prĂ©vus par la rĂ©glementation en vigueur, notamment en matiĂšre de libertĂ© d’accĂšs aux documents administratifs, les fonctionnaires ne peuvent ĂȘtre dĂ©liĂ©s de cette obligation de discrĂ©tion professionnelle que par dĂ©cision expresse de l’autoritĂ© dont ils dĂ©pendent.
OBLIGATION DâINFORMATION (ARTICLE 27)
Les fonctionnaires ont le devoir de satisfaire aux demandes d’information du public dans le respect des rĂšgles relatives au secret professionnel et Ă la discrĂ©tion professionnelle.
OBLIGATION DâOBĂISSANCE HIĂRARCHIQUE (ARTICLE 28)
Tout fonctionnaire doit se conformer aux instructions de son supĂ©rieur hiĂ©rarchique (quâils soient Ă©crits ou oraux), sauf dans le cas oĂč l’ordre donnĂ© est manifestement illĂ©gal et de nature Ă compromettre gravement un intĂ©rĂȘt public.
OBLIGATION DE FORMATION
Le fonctionnaire a le devoir de s’adapter au service public et de mettre ses connaissances Ă jour rĂ©guliĂšrement. Le manquement Ă cette obligation constitue une faute.
OBLIGATION DE RĂSERVE
Lâobligation de rĂ©serve ne figure pas dans le statut gĂ©nĂ©ral des fonctionnaires. Il sâagit dâune obligation dâorigine jurisprudentielle qui vient contrebalancer la libertĂ© dâexpression des agents publics.
Cette obligation impose aux agents, mĂȘme en dehors de leur service, de sâexprimer avec une certaine retenue. Afin de respecter le principe de subordination hiĂ©rarchique et de neutralitĂ© du service public, ils doivent Ă©viter toute manifestation dâopinion de nature Ă porter atteinte Ă lâautoritĂ© de la fonction.
Le devoir de rĂ©serve interdit ainsi de tenir en public des propos outranciers visant les supĂ©rieurs hiĂ©rarchiques ou dĂ©valorisant lâadministration. Le respect de cette obligation sâapprĂ©cie selon la nature des fonctions, des circonstances et du contexte dans lesquels lâagent sâest exprimĂ©, notamment de la publicitĂ© des propos.